En 1923 Vladimir Zworykin, qui a commencé
sa carrière dans les communications de l’armée
tsariste et travaille pour la compagnie américaine
Westinghouse, obtient un brevet sur l’iconoscope, premier
tube réellement utilisable pour l’analyse et
la restitution de l’image animée.
Dans tous les pays industrialisés, les recherches se
réorientent dans cette direction. Exactement comme
pour les techniques de la radio, chaque pays suit sa voie
propre, autour d’un ou plusieurs inventeurs, pour disposer
de techniques nationales. C’est en Angleterre que les
recherches s’organisent le plus tôt : James Baird
fait une démonstration de son televisor en 1925. Le
jeune inventeur prend rapidement des brevets et s’accorde
avec le Post Office britannique pour la détermination
d’un standard de télévision publié
et enregistré en 1929 : 30 lignes, 12 images/seconde,
format 3x7 en hauteur – pour passer un personnage debout.
La Baird Television Compagny, destinée à vendre
des récepteurs, est immédiatement fondée.
Le 20 juillet 1929, la Reichpost, à son tour, établit
un standard national allemand : balayage horizontal à
30 lignes, mais format 3x4 et 12,5 images/seconde.
Tous les progrès des quinze années suivantes
consisterons à améliorer la définition
de l’image en augmentant, notamment le nombre de lignes,
tout en maintenant une norme différente dans chaque
pays. En France, la Compagnie des compteurs de Montrouge crée
un département télévision après
avoir assisté aux démonstrations de Baird, et
la société est en position de faire sa première
démonstration publique à l’Ecole supérieure
d’électricité en 1931. Au Havre, Henri
de France développe un procédé concurrent.
Le ministère des PTT se pose en arbitre et le ministre
Georges Mandel favorise les recherches en installant en 1931,
un émetteur et des studios dans les locaux de l’Ecole
supérieure de télégraphie à Paris.
Les émissions ont lieu sur 400 mètres de longueur
d’ondes, plusieurs fois par semaine, pendant une heure
environ.
Dès 1937, le ministère fait ouvrir au Conservatoire
des arts et métiers, une chaire de « téléphonovision
» pour disposer de techniciens compétents, et
notamment pour ne pas dépendre des techniciens allemands.
Ces derniers contrôlent les techniques du cinéma
sonore et, l’année précédente,
les autorités allemandes ont organisé la retransmission
des Jeux olympiques de Berlin pendant 16 jours à destination
de Hambourg, Leipzig, Munich et Nuremberg. A l’exposition
de 1937 à Paris, des démonstrations de télévision
sont organisées.
D’autres démonstrations ont lieu lors de l’Exposition
universelle de 1939 à New York. Les grands réseaux
de radio américains s’intéressent évidemment
à la télévision. L’essentiel des
recherches est mené par NBC.
Au début de la deuxième guerre mondiale, tous
les pays industrialisés maîtrisent des procédés
permettant d’émettre une image de qualité
moyenne (405 à 525 lignes) ; des émissions régulières
sont programmées dans la soirée à destination
d’un petit nombre d’amateurs qui peuvent se procurer
des postes récepteurs dans le commerce. L’arbitrage
n’est cependant pas encore acquis entre une diffusion
des images par voies hertziennes ou par câble.
La guerre change entièrement les données du
problème. L’événement décisif
est la maîtrise des techniques de transmission sur ondes
ultracourtes (faisceaux hertziens). Obligés de maintenir
des communications avec des armées réparties
dans le monde entier, les forces armées américaines
développent des systèmes de faisceaux hertziens
très performants. La question de la reconversion de
ce potentiel industriel se pose donc à la fin de la
guerre.
On mesure alors ce que sont les problèmes spécifiques
liés au développement de matériels destinés
au grand public dans un réseau de diffusion. Il faut
qu’une norme commune soit instaurée pour que
les industriels puissent investir avec une sécurité
raisonnable et que les acheteurs soient certains de pouvoir
recevoir des programmes. Tout se joue autour des normes adoptées
pour les récepteurs (procédé, nombre
de lignes sur l’écran) et pour la diffusion (quels
canaux hertziens, quelles fréquences).
Au début des années soixante, tous les pays
européens, s’aligneront sur le 625 lignes. Le
passage à la couleur est une autre occasion de choisir
des normes stratégiques. En 1953, les Etats-Unis adoptent
pour la couleur le système NTSC, suivis par le Japon.
Les Français choisissent le système Secam qui
est repris par les Soviétiques, les pays de l’Est
et les pays francophones d’Afrique, tandis que les autres
pays d’Europe retiennent le système allemand
PAL, de qualité équivalente.
Les pays protègent aussi leurs modèles culturels
et leurs opinions publiques. Deux modèles vécus
par les contemporains comme assez radicalement différents
se mettent en place. Aux Etats-Unis, ce sont principalement
les réseaux de radiodiffusion qui investissent dans
la télévision des capitaux et leur savoir-faire.
La télévision s’organise en grands réseaux
privés financés par la publicité et recherchant
une audience maximale. En Europe, le modèle des radios
d’Etat est repris d’emblée. Les télévisions
publiques cherchent à opérer une synthèse
entre culture cultivée et culture populaire.
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